4e Journée romande des collectivités pour le logement d’utilité publique

Une bonne centaine de personnes ont répondu à l’invitation de l’ARMOUP le 12 mai dernier et se sont retrouvées dans l’antre du Palais de Beaulieu à Lausanne à l’enseigne de la 4e Journée romande des collectivités pour le logement d’utilité publique. Il faut dire que la thématique était alléchante et tournait autour de la question de l’habitat durable pour tous. Dans un contexte économique et politique déstabilisé par des conflits armés et des dérèglements climatiques, la question du logement, de son accessibilité et de sa durabilité, se pose avec une urgence accrue. Des solutions existent pour loger tout le monde dignement, mais elles nécessitent des changements systémiques profonds dans l’ensemble de la société. C’est quoi, un habitat durable? Et comment concilier durabilité et loyers abordables?

Un joli panel de personnalités du monde politique et scientifique promettait des réponses expertes et des débats nourris. La secrétaire générale de l’ARMOUP Isabelle del Rizzo mène le bal et rythme la journée par des présentations très dynamiques et enjouées des conférenciers et de la conférencière, qui prennent ainsi à chaque fois la tribune sous les applaudissements.

Président de l’ARMOUP, Bernard Virchaux a ouvert les feux avec un discours un tantinet alarmiste en posant le décor d’un marché immobilier et de la construction subissant de plein fouet une forte augmentation des prix des matériaux de construction et une soudaine hausse des taux hypothécaires, conséquence de marchés chamboulés autant par le covid-19 que par la guerre en Ukraine. Dans ce contexte pour le moins morose, Bernard Virchaux souligne la nécessité d’autant plus forte du rôle des coopératives d’habitation, dont la principale préoccupation est de fournir des logements à loyers abordables, indispensables pour loger les plus démunis dans un contexte de crise. « Nous sommes un pays riche qui peut se permettre de dépenser des milliards pour de l’armement, donc pourquoi pas pour le logement ! »

A ce vibrant appel au logement à loyers abordables pour tous, le conseiller aux Etats libéral-radical Olivier Français a répondu par un exposé tout en nuances et détours. Faisant référence autant à ses activités d’entrepreneur que d’homme politique, il a évoqué les affres et les méandres réglementaires qui ont la fâcheuse tendance à tout compliquer, tout ralentir, tout renchérir dans l’industrie de la construction. Et d’insister sur le rôle difficile des pouvoirs publics en la matière, pris entre le marteau des entrepreneurs privés impatients et l’enclume des besoins sociaux de la population en matière d’habitat.

La conseillère nationale Delphine Klopfenstein Broggini devait parler du rôle des coopératives d’habitation et de leurs réponses innovantes face à l’urgence climatique… mais elle a dû déclarer forfait au dernier moment et n’a pas pu participer au forum. Dommage. Le professeur d’économie à l’EPFL Philippe Thalmann l’a heureusement remplacée au pied levé et a improvisé une intéressante présentation faisant référence à une étude nationale menée auprès des locataires de deux grandes coopératives d’habitation, la Société coopérative d’Habitation Lausanne (SCHL), la Allgemeine Baugenossenschaft Zürich (ABZ) et de la Mobiliar. Il ressort étonnamment de cette étude que non seulement bon nombre de locataires n’étaient pas vraiment bien renseignés sur les performances énergétiques de leur habitat et que la question de la durabilité n’était pas vraiment leur principal souci. Difficile dans ces conditions d’améliorer le parc de logements existants. Un gros effort d’information du côté des coopératives pourrait peut-être y remédier.

Avec le conseiller national Roger Nordmann, on entre dans le vif des mesures d’assainissement énergétique dont les coopératives d’habitation pourraient s’inspirer pour ne pas être à la traîne de la transition énergétique. Avec force tableaux et schémas à l’appui, il martèle les différents scénarii qu’il faudrait combiner pour échapper au pire du changement climatique, combler les creux d’approvisionnement de l’énergie solaire en hiver, simplifier les procédures d’autorisation pour le solaire et l’éolien et planifier la sortie du nucléaire. Il conclut son marathon en disant que tout était essentiellement une question d’investissement et de volonté politique. La table ronde, modérée par le Prof. Philippe Thalmann, qui a réuni les premiers orateurs et le directeur de l’Office fédéral du logement (OFL) Martin Tschirren avant la pause de midi a donné quelques beaux échanges entre les questions très pragmatiques du public et les réponses très empiriques des experts.

Après un délicieux cocktail dînatoire et une intense séance de réseautage, le public retrouvait Martin Tschirren pour un riche exposé sur les différentes aides fédérales encourageant les coopératives d’habitation à se lancer dans des rénovations importantes de leur parc immobilier, sans que cela ne se répercute trop méchamment sur les loyers. Avec notamment un programme spécial pour le Fonds de roulement offrant des prêts à taux zéro sur dix ans pour tout projet d’assainissement important soumis entre 2021 et 2023… et deux plateformes numériques qui aident les coopératives à s’orienter dans la jungle des conditions à remplir pour bénéficier de cette manne fédérale: un guide d’assainissement pour les bailleurs (www.renovabene.ch) et un autre pour les locataires (www.locabene.ch).

Valentin Bourdon, architecte Dr. EPFL, a ensuite promené le public à travers un bel historique de l’habitat coopératif et de ses formes architecturales, en pointant leur potentiel d’influence sur le développement urbain et les bienfaits qu’ils pourraient exercer dans l’usage du patrimoine bâti. Et pour clore la journée en beauté, la professeure ordinaire en écologie sociale et Economie écologique à l’Université de Lausanne Julia Steinberger a gratifié l’assemblée d’un vif exposé vulgarisant bien à propos les différents scénarii à basse demande énergétique susceptibles de se concrétiser dans une action globale salvatrice en matière de potentiel de réduction des émissions de CO2. Le potentiel existe, mais il nécessite des changements systémiques dans l’ensemble de la société… ainsi qu’une redéfinition et un rééquilibrage entre énergie, services et bien-être. Tout un programme!